15 mois après le putsch manqué contre le président Erdoğan, la Turquie oscille entre l’hystérie collective et un régime de terreur : plus de 138.000 fonctionnaires limogés, 2.000 écoles et 150 médias fermés, 55.000 personnes emprisonnées au nom de la lutte anti-terroriste ou pour des liens présumés avec la confrérie islamiste Gülen, des peines passibles de 30 à 142 ans de prison. Près de 900 entreprises dont la valeur totale des actifs est estimée à 14 milliards de dollars expropriées. Arrestations de militaires et gendarmes, fuite des investisseurs.
L’alibi du coup d’état manqué n’est-il pas opportun pour justifier cette intrusion massive dans l’appareil d’État et cette concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme ? En avril dernier, Erdoğan convoque un référendum constitutionnel qui lui donne à 52% le droit de cumuler en 2019 les fonctions de chef de l’État, Premier ministre, chef de la faction parlementaire et responsable de la nomination de la moitié des hauts magistrats. Jamais un Président n’a cumulé autant de mandats dans l’histoire de la Turquie.
Parler de la Turquie, c’est donc parler d’Erdoğan. Le culte de l’autorité revenu. Les codes des prestiges de l’Empire Ottoman. Revenir à des sources anthropologiques quelque peu arrangées. Comment expliquer ses succès électoraux ?
Parler de la Turquie, c’est toucher aux problématiques d’un positionnement géopolitique semblable à la Russie de Poutine. L’Ouest ou l’Est ? Se tourner vers l’Europe ou le Moyen Orient ? C’est retrouver les marqueurs de l’Histoire. Cette bascule entre l’Occident et l’Orient rythme l’histoire turque. La réflexion n’est pas contemporaine.
Parler de la Turquie, c’est évoquer aussi la relation aux kurdes et par ricochet analyser l’implication ambiguë d’Ankara dans le conflit syrien.